Halimi - Macias
Championnat du monde des coqs
Le 6 novembre 1957, au Wrigley Field Stadium de Los Angeles, le fils de Constantine, Alphonse Halimi, tenant du titre mondial NYC des poids Coq depuis son succès sur le sourd-muet italien Mario D’Agata sept mois plus tôt, défie le redoutable Mexicain Raúl "Raton" Macias, détenteur de la couronne planétaire NBA.
L'enjeu de cette opposition de styles est l'unification mondiale.
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Moins de sept mois après son sacre, et après deux combats sans titre en jeu (dont une défaite sur blessure devant Jimmy Carson), Alphonse Halimi accepte d'unifier le titre mondial des poids coq. Le Constantinois débarque en Californie, escorté par Mme Faty et Monsieur Filippi. Il peut également compter sur Jo Rizzo qui avait veillé sur les séjours de Cerdan aux Etats-Unis. Installé à l'hôtel Miramar, Alphonse accroche d'ailleurs au mur de sa chambre la photo du Grand Marcel.
Concentré et déterminé, il parfait sa condition physique par de longs footings matinaux sur la plage de Santa Monica. Halimi respire le défi. Ses dures séances de sparring impressionnent la
presse américaine venue épier le phénomène. Cette unification constitue une vraie curiosité. En cette année 1957, seule cette catégorie des coq (- de 53,525 kg) souffre d'une bipolarisation de souverain.
En effet, que ce soit en mouche (avec l'Argentin Pascal Pérez), en plume (avec Hogan Kid Bassey), en léger (avec Joe Brown), en welter et moyen (avec Carmen Basilio) ou encore en mi-lourd (avec l'éternel Archie Moore) et enfin en lourd (avec Floyd Patterson), toutes les catégories possèdent un roi incontesté ! Depuis mars 1955, des soucis de santé et les refus de Cohen de s'opposer à son challenger officiel avaient conduit la NBA à le destituer au profit de Raúl Macias qui résume trés confiant la situation: «C'est l'heure de récupérer l'intégralité de mon titre !»
Encouragé par une dizaine de Français, au milieu des 20 000 Latinos qui ont laissé une recette de 210 000 dollars, Alphonse Halimi monte le premier sur le ring dressé au coeur du Wrigley Field stadium. Le clan mexicain chambreur le provoque. L'un d'eux, tout de noir vêtu avec un coq vivant à la main, jette les plumes en direction du Français.
Pourtant, c'est ce dernier qui entame la bataille tambour battant. Plus ramassé, il dynamise les échanges en crochets et coince son opposant dans les cordes. A compter du 6e round, la "souris" Macias renverse la pression. Face à la spontanéité de l'Algérien, il tente d'imposer la guerre. Filippi insiste sur la vitesse d'exécution. L'affrontement devient âpre. La violence s'intensifie encore lors des 9e et 10e reprises. Macias touche sévèrement. Mais le Tricolore revient fort dans les 11e et 13e rounds. Ses enchaînements font merveilles.
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Le dernier round est très disputé. Les deux champions s'échangent coup pour coup, mais grâce à sa hargne, Halimi domine. Le pointage sera serré: le juge américain Dynamite Jackson opte pour Halimi (147-138), mais l'Irlandais Mushy Callahan préfère Macias (144-141). L'appréciation de Frankie Van est décisive (148-141) pour le nouveau roi unifié des coq... Alphonse Halimi !
Premier français à avoir unifier un titre, le boxeur d'Alger flotte sur le toit du monde à l'âge de 25 ans. Même si le camp Aztèque tente de contester le verdict, affirmant que leur combattant en a assez fait. Sur le ring, éprouvé et marqué, Macias reconnait sans excuses: «Ses coups m'ont démolis ! Halimi est un grand champion.» La «Souris» boxera quatre fois encore avant de se retirer et de revenir trois années plus tard en octobre 1962. Son palmarès se clôturera sur 41 victoires pour seulement 2 défaites. Il deviendra acteur dans une série télé avant de retourner à son premier amour: entraîner de jeunes boxeurs dans un gymnase à Mexico-City.
Après une victoire sans titre sur le Philippin Tanny Campo, le champion des coqs restera dix mois sans boxer effectuant 157 exhibitions sous forme de séances de sparring-partner où il mimera sa victoire sur Macias, lors d'une tournée avec le cirque Amar. Il acceptera de retourner le 8 juillet 1959 à Los Angeles affronter Joe Becerra, un autre Mexicain qui reste sur 11 KO. Alphonse Halimi s'ajoutera à la liste des victimes du frappeur de Guadalajara. Le Français subira le même sort sept mois plus tard lors de la revanche. Sa victoire sur l'Anglais Freddie Godoy, en octobre 1960 à Londres, lui permettra de conquérir le titre européen et de «venger Jeanne d'Arc», selon ses dires...
Halimi stoppe sa carrière en 1964. Son exclusion du milieu de la boxe le marquera: «J'aurais préféré être entraîneur de boxe plutot que maître-nageur.» Les quelques heures d'entraînement qu'il prodiguera à Sèvres, à la veille de sa retraite, ne seront qu'un pis-aller. Une séparation conjugale (tournant de son existence), une fâcheuse tendance à miser aux cartes et un entourage "d'amis" intéressés contribuèrent à le faire chuter de son piédestal.
Après lui, on a attendu longtemps un nouveau champion Français. Trente-deux ans exactement jusqu'à la victoire de René Jacquot face à Don Curry en 1989.
Sébastien Boniface
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